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Le féminisme à l'université de Zurich.

Revue Bleue. 5. Septembre 1896.

Lorsqu'au Congres féministe international, en avril dernier une déléguée finlandaise a osé dire qu'il existait des relations de bonne camaraderie entre les jeunes gens et les jeunes filles de son pays, où la coéducation est déjà établie, on a souri. L'expérience était faite dans des pays lointains, en Amérique, en Finlande. Sans doute, mais elle l'est aussi pour ainsi dire aux portes mêmes de la France, en Suisse, à Zurich, où existent déjà des rapports de camaraderie entre les deux sexes.

Beaucoup de touristes connaissent Zurich, cette charmante ville blanche, moitié perchée sur une colline, moitié étendue dans la vallée, autour de ce beau lac, dans un splendide décor de lointaines montagnes. Beaucoup la connaissent pour être belle et avenante, peu savent que c'est une ville de travail, où se poursuit une œuvre des plus intéressantes: la coéducation des sexes dans l'enseignement supérieur. Zurich se divise en deux parties nettement distinctes: la ville basse, centre du commerce, quartier des étrangers, quartier aussi de la bourgeoisie qui est en même temps à tous les points de vue ultra-conservatrice; et la ville haute, groupée autour de l'hôpital cantonal, des laboratoires et des grands bâtiments du Polytechnique. C'est ainsi qu'on appelle la très remarquable école où se donne l'enseignement scientifique supérieur. – L'Université proprement dite, d'une apparence extérieure beaucoup plus modeste, en occupe une aile.

Cette ville haute, toute neuve, toute pleine d'air et de lumière, avec un horizon admirable, teinté – les jours de sirocco – de bleu et de jaune violents, ce »quartier latin«, tout en villas entourées de jardins, de maisons bourgeoises à balcons, semblables à des volières, est habité par les professeurs du Polytechnique, par ceux de l'Université et une jeunesse universitaire des plus cosmopolites. Vous y trouvez de tout; le Polytechnique est principalement fréquenté par des étrangers: Autrichiens, Grecs, Bulgares, Roumains, Italiens et Américains; à l'Université les éléments slave, suisse et allemand se contre-balancent à peu près. Les Français forment une intime minorité, mais presque chaque Suisse sait le français.

La ville basse, avouons-le, n'est pas tendre pour la ville haute, surtout pour l'étudiante. Sans doute, les autorités du lieu, le Recteur, le Sénat, les professeurs pris in corpore ont reconnu à la femme qui désire étudier à Zurich, tous les droits universitaires: elle suit les mêmes cours que les jeunes gens, s'assied sur les mêmes bancs, subit les mêmes examens, obtient les mêmes grades, elle est civis academicus pour de bon. Mais si l'Universite ne fait pas de difference entre l'étudiant et l'étudiante, la ville basse ne s'en fait pas faute. Elle trouve très bien que le jeune homme fasse son éducation scientifique, mais devant la »femme émancipée«, devant la femme libre et instruite, elle se raidit et se drape dans sa vertu bourgeoise ...

Et ce n'est pas seulement le patricien zurichois qui se défie de l'étudiante, et qui n'aime guère lui ouvrir la porte de sa belle maison à souvenirs historiques; mais il y a aussi des membres du corps enseignant même, qui n'admettent ce nouveau type qu'avec une certaine réserve.

Eux aussi feront leur devoir vis-à-vis de l'étudiante, scrupuleusement; ils se montreront parfaits pour eile, dès qu'il s'agit de questions scientifiques, de choses du métier; ils seront avec eile ni plus, ni moins polis qu'avec les étudiants. Mais en société, ils ne l'aborderont pas; dans un bal, meme academique, ils ne la salueront pas, ne la présenteront pas à leur femme; bref, ils n'auront pas de relations personnelles avec eile, parce que ... eh bien, tout simplement parce que la »bonne société« de Zürich n'a pas encore admis l'etudiante, et que ces professeurs ne tiennent pas à braver les préjugés de la ville basse. Le problème moderne que l'étudiante représente, et qu'elle cherche à résoudre, ne frappe pas ces hommes, ou s'il les frappe, il les embarrasse aussi, et ils s'en tirent par une politique d'autruche.

II est d'ailleurs très amusant et très instructif d'observer comment chaque professeur à l'Université se place en face de cet obstacle, l'étudiante. La question de principe, je l'ai déjà dit, a été tranchée une fois pour toutes: mais il faut encore que chacun, personnellement, s'accommode de cette décision, de cette égalite des sexes devant la science. Or il y a là des détails de forme qui en disent long, et équivalent à toute une profession de foi. Ainsi la façon dont le professeur s'adresse à son auditoire mixte est des plus significatives. Un de mes maîtres, ouvrant la porte avec fracas et escaladant la chaire à pas de géant, criait, dès l'entrée: »Mes honorés assistants«, formule courante dans les pays de langue allemande, qui permet d'escamoter la difficulté du choix entre »Mesdames et Messieurs« ou »Messieurs et Mesdames«. Ce choix en a embarrassé plus d'un. Ceux qui se décident pour la dernière formule, partent du droit historique, d'après lequel les Universités ont été créées en première ligne pour le sexe fort. L'estime toute particulière dans laquelle un des professeurs de philosophie à Zurich tient la femme, se traduit, au contraire, par le fait qu'il dit avec une petite intonation significative: »Mesdames, Messieurs«. Un autre, dont cependant l'auditoire se compose pour moitié d'étudiantes, lance cavalièrement son »Messieurs« tout court dans le silence de la vaste salle.

Mais ce sont là des bagatelles; l'essentiel, le principe de l'égalité des sexes devant la science, est admis. Évidemment, il est regrettable que le professeur d'origine suisse surtout n'ait que très rarement des relations personnelles avec l'étudiante. Car de cette façon, la meilleure influence du professeur, l'influence exercée par l'individualité même, par la discussion et la causerie intimes, n'atteint pas la femme; et le maître à son tour perd son plus beau privilège, celui de cultiver directement les esprits et de modeler les âmes de ceux qui l'approchent. D'ailleurs le bon exemple, dans cette direction, est déjà donne, surtout par les professeurs d'origine allemande qui n'ont pas peur d'ouvrir leurs maisons à leurs élèves, sans distinction de sexe; les professeurs suisses n'auraient donc qu'à les imiter.

Il y a en effet, dans la ville haute de Zurich, nombre de maisons où, à côté d'un homme de valeur une noble femme règne sur son intérieur et le gouverne, une femme d'un grand coeur qui, à côté de son amour, admet parfaitement la camaraderie sans en prendre ombrage. Et elle admet en même temps qu'entre son mari et les jeunes étudiantes qui suivent ses cours, il puisse exister des rapports intellectuels d'un ordre purement scientifique, une commune recherche de la solution des problèmes modernes. Peut-être ne prétend-elle pas toujours s'associer elle-même à ces rapports, mais elle les respecte et, mieux que cela, elle les facilite, elle seule les rend possibles. C'est d'une âme d'élite que de penser ainsi; mais cette confiance, cette hauteur d'âme ne sont pas inutiles: elles permettent à la femme moderne, ce qui est si rare encore, d'aborder dans l'intimité et sans même penser que ce sont des hommes, ces grandes personnalités dont le progrès du monde dépend, de les approcher sur un pied d'égalité parfaite, de pouvoir leur parier avec une entière franchise. Elle peut leur confier ses doutes, ses hésitations, ses souffrances intellectuelles, et en recevoir cet apaisement de l'esprit que ceux-là seuls savent donner qui ont eux-mêmes beaucoup pensé, cherché et souffert intellectuellement. Une femme qui, pendant ses années d'étude, est admise à un pareil foyer, et jugée digne de l'amitié de telles âmes d'élite, en recevra une empreinte indélébile, et ne pourra plus oublier cet idéal lumineux qu'elle a vu de près. En même temps que son éducation intellectuelle, elle aura fait son éducation morale et pourra prêcher d'exemple.

Prêcher d'exemple, voilà surtout ce qui importe aux femmes qui sont entrées dans le mouvement féministe, en présence de préjugés, des malentendus, dont il est l'objet. L'occasion en est Offerte à l'Université de Zurich, où il y a nécessairement des rapports entre étudiants et étudiantes. Le caractère de ces relations dépend forcément du public universitaire de Zurich. J'ai déjà dit qu'il est des plus cosmopolites, et le Polytechnique dont les cours sont surtout suivis par des jeunes gens aisés, souvent même très riches, le Polytechnique aurait tort de vouloir prétendre à une morale trop austère: le prix Montyon est certainement au-dessus de sa moyenne. Mais l'Université – d'ailleurs beaucoup moins fréquentée – a un caractère bien plus sérieux. Les slaves qui s'y font inscrire ne sont, en général, pas riches; les Suisses y viennent pour travailler et sont d'ailleurs dans leur propre pays, souvent dans leur ville même; les Allemands qui s'y rendent sont surtout attirés par les beautés naturelles des environs, par le sport, et très souvent ne viennent y passer qu'un été. Car en hiver, vraiment il n'y a pas trop de plaisirs à Zurich: le théâtre, sans être mauvais, n'est pas extraordinaire; on fait un peu de musique, il y a quelques bals publics ou académiques, mais le »quartier latin« de Zurich est loin de connaître les prétendues »attractions« du quartier latin de Paris. Pas de cafés-concerts, pas de brasseries de femmes. De cette façon, l'Université de Zurich attire une jeunesse plutôt studieuse qui, lorsqu'elle veut s'amuser, n'a pas encore besoin de chansons pimentées et de »petites femmes«.

Si sous ce rapport Zurich ressemble très peu à Paris, il ne ressemble pas plus aux Universités allemandes, comme par exemple Heidelberg, où les »corps«, provocateurs de duels et buveurs de bière, jouent un rôle si prépondérant. Il y a bien aussi à Zurich quelques »corps« dont les membres, friands de la lame, promènent leurs casquettes à couleurs et leurs nobles poitrines décorées de larges rubans, à travers les salles et corridors de l'Université. Mais l'Université, prise comme corporation, désapprouve le duel de la façon la plus nette. Ce sont les »corps« surtout qui opposent encore une certaine résistance passive à l'étudiante, et qui exercent une vengeance vraiment terrible: chaque année au mois de mai, ils organisent une fête champêtre, dont ils excluent consciencieusement leurs collègues, les étudiantes, ne choisissant leurs invitées que parmi les patriciennes et les bourgeoises de la ville basse. C'est dur pour l'étudiante, sans doute, mais il lui faudra en prendre son parti, et je crois que cet héroïsme n'est pas au-dessus de son courage. Mais heureusement ces préventions ne sont pas générales: il y a des étudiants à Zurich qui lui rendent justice et se font honneur d'agir avec elle en bons camarades. Cette camaraderie commence par l'égalité devant la loi universitaire: les étudiants savent que ces jeunes femmes ont fait les mêmes études préparatoires, que souvent leur effort a été beaucoup plus considérable, leur route étant moins bien tracée, la filière, si commode à suivre, n'existant pas pour elles. D'ailleurs, aux cours, et dans les réunions plus intimes, réservées sous le nom de »Seminare« à l'élite des élevés, les hommes voient vite que beaucoup de femmes leur sont égales, plusieurs supérieures, et que le bas de l'échelle n'est pas tenu par des femmes seules. L'égalité intellectuelle et scientifique des sexes, les aptitudes morales de la femme, sa persévérance, la possibilité, aussi pour elle, d'un effort prolongé, tout cela est démonstré aux étudiants de Zurich par un exemple, une expérience de tous les jours; ils voient les faits et les preuves à chaque pas, et en fin de compte ils doivent se rendre à l'évidence.

En arrivant à Zurich beaucoup d'entre eux se faisaient une idée très bizarre de l'étudiante; ils se la figuraient émancipée de. toute convenance, bizarrement accoutrée, un être extravagant, aux cheveux courts, au verbe haut, la cigarette à la bouche. Mais cette caricature qui certainement, à un moment donné, a existé, ne se trouve plus à Zurich. On y voit en effet des êtres extraordinaires, mais extraordinaires plutôt par leur pauvreté et leur figure émaciée que par des dehors provoquants et des exagérations choquantes.

Les femmes forment à peu près le tiers de la population universitaire: plus de 200 sur environ 700 inscrits. Elles sont surtout nombreuses dans la colonie la plus originale de Zurich, la colonie russo-polonaise. Elle nous paraît étrange, parce que ses membres sont souvent très pauvres, et par suite vivent d'une façon très économique. Comme il est économique de partager à plusieurs la même chambre, d'habiter des petites rues écartées et des mansardes; économique de porter longtemps les mêmes vêtements, de ne les quitter que lorsqu'ils vous quittent, de composer sa toilette selon les exigences de sa bourse et non celles de son goût, les étudiants et étudiantes russes et polonais ont souvent un air à part. Leurs habitudes nationales d'ailleurs, leur éducation slave, leur genre de vie un peu tartare, asiatique, contribuent aussi à leur donner des particularités qui nous frappent. Enfin beaucoup d'entre eux, nihilistes ou socialistes convaincus, mettent leurs théories à exécution et pratiquent le communisme des biens. II arrive donc que dans la colonie slave plusieurs se cotisent pour chauffer en hiver une de leurs chambres, qu'ils y travaillent ensemble, mangent ensemble, prennent d'innombrables tasses de the ensemble et discutent, rangés en cercle, jusque fort avant dans la nuit. Ils aiment cette vie de phalanstère, cette vie de famille par affinité élective et, qui plus est, ils trouvent tout à fait naturel que les femmes, les étudiantes y prennent leur part, soient solidaires des hommes. C'est cela même qui paraît extraordinaire î nos peuples d'Occident; et le brave Zurichois qui voit étudiants et étudiantes passer des heures et des heures ensemble, ne saurait s'imaginer qu'ils s'occupent de problèmes sociaux ou scientifiques. Évidemment, il y en aura toujours dans le nombre qui éprouveront l'un pour l'autre un sentiment plus vif que la solidarité; mais la plupart, sous des dehors souvent bizarres, forment un petit peuple de piocheurs, d'acharnés de l'étude, d'ardents du socialisme, de rêveurs et de rêveuses obstinés, bref, d'apôtres. Combien, avant de venir à Zurich ont déjà leur histoire: ils ont tâté de la prison, de l'exil, se sont enfuis sous un faux nom, ont couru des dangers, et Zurich pour eux est la terre promise. Souvent, quand j'assistais aux conférences d'économie politique où la colonie slave était toujours au grand complet, je me suis demandé, en regardant ces profils amaigris, ces grands yeux jetant un feux sombre, ces fronts obstinés, combien il y en aurait parmi cet auditoire qui, à leur retour, iraient méditer en Sibérie sur la liberté, l'égalité et la fraternité, qui finiraient dans les prisons ou périraient dans quelque bagarre sanglante! Parfois ils entraient dejà en conflict avec les autorités suisses, si larges de vues cependant. – Mais aujourd'hui encore, bien que la surveillance exercée sur la colonie slave ait beaucoup diminué, on s'y défie de ceux qui n'y sont pas introduits par des affidés.

Et on a raison. Tous s'y rappellent encore certain personnage louche qui, inscrit comme etudiant, suivait un cours de philosophie, fait au domicile même du professeur. Là, dans la discussion plus intime, plus libre, il essayait chaque fois d'amener les questions sur le terrain politique, d'obtenir des aveux compromettants, de faire prononcer des paroles imprudentes. Et alors, comme s'ils s'étaient donn le mot, tous les membres de la colonie slave, hommes et femmes, observaient un silence tenace, n'avaient plus d'opinion, et le provocateur en était pour ses frais.

La solidarité et l'egalité des sexes existent donc déjà dans la colonie slave. Elles s'établissent aussi parmi les autres étudiants et étudiantes. Le bourgeois de la ville haute ne se scandalise plus quand des jeunes gens des deux sexes viennent se voir, sortent ensemble, pour de longues promenades, travaillent ensemble, echangent des idees et des livres, se traitent en camarades. Peu à peu disparaît cette étroitesse de vue qui veut que nous ne puissions nous rapprocher les uns des autres sans arrière-pensee et sans propos galants; qui nous cache ce qu'il y a de noble et de grand dans de simples rapports intellectuels. A Zurich, femmes et hommes peuvent developper leurs idées en commun, librement, sans les entraves d'une vieille civilisation qui n'a jamais permis ä la femme d'être elle-même, de se prononcer hardiment, d'agir comme il lui plaît, et d'affirmer sa personnalité. Le temps que j'ai passé à Zurich est riche en Souvenirs de ce genre. Parmi les jeunes gens des cours, la sélection était vite faite; quelques semaines seulement, et nous savions parfaitement lesquels seraient nos camarades et lesquels ne le seraient pas. Avec ces derniers, la stricte politesse, parfois une rapide escarmouche. Avec les autres, le travail intellectuel, l'échange des idées et des livres, un coup de main donne pour un ouvrage, un renseignement pris ou fourni, du respect des deux côtés, de la Sympathie, de la bienveillance, – de l'amour, point.

Que de bonnes soirées se sont ainsi amicalement passées à faire de la musique, à écouter les mélodies de Schumann et de Schubert, à chanter des duos, à essayer d'interpréter Wagner, à le discuter, à l'abîmer, à l'exalter, puis à se réconcilier, en prenant un excellent thé ou café que les jeunes Autrichiens préparent à merveille. Ah! ces bons pique-niques, pour lesquels l'hôtesse n'a pas assez d'assiettes à prêter, où l'on prépare des œufs brouillés, très brouillés même, où l'on mange du fromage avec des amandes sèches! Ce qu'on y rit, ce qu'on s'y amuse, ce qu'on y est jeune, et cependant l'amour n'y est pour rien.

Et les excursions dans les environs, à travers la verte forêt, cette délicieuse forêt tout près de Zurich! Les grandes courses, le jour de la Pentecôte, sur la crête de l'Albis! Par une glorieuse journée d'été, étudiants et étudiantes, mathématiciens, philologues, chimistes, medecins et philosophes; Allemands, Autrichiens, Americains, tous partent de bonne heure, et passent leur temps en marchant ferme, escaladant la chaîne de collines, déjeunant gaiement sur l'herbe, devisant de mille sujets, et si loin des galanteries vulgaires! En toute franchise, cette bonne et saine camaraderie ne vaut-elle pas mieux que la séparation actuelle et pleine de périls au fond, de deux êtres qui se compléteront d'autant plus heureusement, qu'ils auront mieux appris à se connaître?

Mais se connaître n'est pas l'affaire de quelques semaines. L'homme ne saurait se pénétrer trop tôt de cette pensée que l'intelligence et l'énergie de la femme, dûment développées, ne le cèdent en rien à la sienne; il doit se dire de bonne heure que les grandes questions du monde actuel et les problèmes modernes la touchent également. C'est une condition même de son respect qu'il s'habitue à la voir partout avec lui: à l'Université, au laboratoire, à l'hôpital, dans les cliniques. Alors peu à peu cet orgueil masculin, qui réclame la domination du monde et l'héritage de la science pour l'homme seul, disparaîtra. En attendant que cette grande transformation s'opère partout, l'Université de Zürich y concourt de son mieux. Par les études en commun des deux sexes, par les intérêts intellectuels partagés entre l'homme et la femme, elle prépare la base d'un monde nouveau, où les hommes retrouveront avec l'estime de la femme une profondeur de sentiment aujourd'hui presque disparue.

Et la camaraderie sera pour beaucoup dans ce progrès, la camaraderie qui, loin d'être un danger, ne pourra, par le contraste, qu'éloigner le jeune homme de ces mille liaisons faites et défaites à la légère en lui rendant plus facile la société sur un pied d'égalité de femmes honnêtes et, comme lui, d'esprit cultivé. L'expérience a montré que la moralité n'a rien à y perdre. L'humanité y retrouverait au contraire un peu de son innocence primitive, un petit coin du Paradis où il serait bon vivre. En attendant que ces idées se généralisent, une œuvre, d'un grand intérêt social se poursuit à Zurich, et les étudiantes de cette Université n'oublieront point la dette de reconnaissance qu'elles ont contractée envers cette Alma Mater si belle, si généreuse et si moderne.

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